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est donnée la mission spéciale de faire coopérer la nature.

Et maintenant voir mon paradoxe :

De tous les éléments qui composent la valeur totale d’un produit quelconque, celui que nous devons payer le plus joyeusement, c’est cet élément même qu’on appelle intérêt des avances ou du capital.

Et pourquoi ? parce que cet élément ne nous fait payer un qu’en nous épargnant deux. Parce que, par sa présence même, il constate que des forces naturelles ont concouru au résultat final sans faire payer leur concours ; parce qu’il en résulte que la même utilité générale est mise à notre disposition, avec cette circonstance, qu’une certaine proportion d’utilité gratuite a été substituée, heureusement pour nous, à de l’utilité onéreuse, et, pour tout dire en un mot, parce que le produit a baissé de prix. Nous l’acquérons avec une moindre proportion de notre propre travail, et il arrive à la société tout entière ce qui arriverait à l’homme isolé qui aurait réalisé une ingénieuse invention.

Voici un modeste ouvrier qui gagne quatre francs par jour. Avec deux francs, c’est-à-dire avec une demi-journée de travail, il achète une paire de bas de coton. S’il voulait se procurer ces bas directement et par son propre travail, je crois vraiment que sa vie entière n’y suffirait pas. Comment se fait-il donc que sa demi-journée acquitte tous les services humains qui lui sont rendus en cette occasion ? D’après la loi Service pour service, comment n’est-il pas obligé de livrer plusieurs années de travail ?

C’est que cette paire de bas est le résultat de services humains dont les agents naturels, par l’intervention du Capital, ont énormément diminué la proportion. Notre ouvrier paye cependant, non-seulement le travail actuel de tous ceux qui ont concouru à l’œuvre, mais encore l’intérêt des capitaux qui y ont fait concourir la nature ; et ce qu’il faut