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de le faire, refusera, s’il n’a pas avantage à accepter, et que l’emprunt ne peut jamais empirer sa condition ? Il est clair que la question qu’il se posera sera celle-ci : L’emploi de ce capital me donnera-t-il des avantages qui fassent plus que compenser les conditions qui me sont demandées ; ou bien : L’effort que je suis maintenant obligé de faire, pour obtenir une satisfaction donnée, est-il supérieur ou moindre que la somme des efforts auxquels je serai contraint par l’emprunt, d’abord pour rendre les services qui me sont demandés, ensuite pour poursuivre cette satisfaction à l’aide du capital emprunté ? — Que si, tout compris, tout considéré, il n’y a pas avantage, il n’empruntera pas, il conservera sa position ; et, en cela, quel tort lui est-il infligé ? Il pourra se tromper, dira-t-on. Sans doute. On peut se tromper dans toutes les transactions imaginables. Est-ce à dire qu’il ne doit y en avoir aucune de libre ? Qu’on aille donc jusque-là, et qu’on nous dise ce qu’il faut mettre à la place de la libre volonté, du libre consentement. Sera-ce la contrainte, car je ne connais que la contrainte en dehors de la liberté ? Non, dit-on, ce sera le jugement d’un tiers. Je le veux bien, à trois conditions. C’est que la décision de ce personnage, quelque nom qu’on lui donne, ne sera pas exécutée par la contrainte. La seconde, qu’il sera infaillible, car pour remplacer une faillibilité par une autre ce n’est pas la peine ; et celle dont je me défie le moins est celle de l’intéressé. Enfin, la troisième condition, c’est que ce personnage ne se fasse pas payer ; car ce serait une singulière manière de manifester sa sympathie pour l’emprunteur que de lui ravir d’abord sa liberté et de lui mettre ensuite une charge de plus sur les épaules, en compensation de ce philanthropique service. Mais laissons la question de droit, et rentrons dans l’économie politique.

Un capital, qu’il se compose de matériaux, de provisions ou d’instruments, présente deux aspects : l’Utilité et la Va-