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sol en a reçu, puis en outre une certaine quantité de travail pour équivaloir aux forces naturelles qui s’y trouvent. » Non, le propriétaire foncier, lui qui représente les possesseurs qui l’ont précédé et jusqu’aux premiers défricheurs, en est réduit à tenir en leur nom cet humble langage :

« Nous avons préparé des services, et nous demandons à les échanger contre des services équivalents. Nous avons autrefois beaucoup travaillé : car de notre temps on ne connaissait pas vos puissants moyens d’exécution ; il n’y avait pas de routes ; nous étions forcés de tout faire à force de bras. Bien des sueurs, bien des vies humaines sont enfouies dans ces sillons. Mais nous ne demandons pas travail pour travail ; nous n’aurions aucun moyen pour obtenir une telle transaction. Nous savons que le travail qui s’exécute aujourd’hui sur la terre, soit en France, soit au dehors, est beaucoup plus parfait et plus productif. Ce que nous demandons et ce qu’on ne peut évidemment nous refuser, c’est que notre travail ancien et le travail nouveau s’échangent proportionnellement, non à leur durée ou leur intensité, mais à leurs résultats, de telle sorte que nous recevions même rémunération pour même service. Par cet arrangement nous perdons, au point de vue du travail, puisqu’il en faut deux fois et peut-être trois fois plus du nôtre que du vôtre pour rendre le même service ; mais c’est un arrangement forcé ; nous n’avons pas plus les moyens d’en faire prévaloir un autre que vous de nous le refuser. »

Et, en point de fait, les choses se passent ainsi. Si l’on pouvait se rendre compte de la quantité d’efforts, de fatigues, de sueurs sans cesse renouvelées qu’il a fallu pour amener chaque hectare du sol français à son état de productivité actuelle, on resterait bien convaincu que celui qui l’achète ne donne pas travail pour travail, — au moins dans quatre-vingt-dix-neuf circonstances sur cent.