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Voilà un service : qu’il revête ou non une forme matérielle, il a de la valeur ; puisqu’il est service.

Voilà de la matière : si en la cédant on rend service, elle a de la valeur, mais si on ne rend pas service, elle n’a pas de valeur.

Donc la valeur ne va pas de la matière au service, mais du service à la matière.

Ce n’est pas tout. Rien ne s’explique plus aisément que cette prééminence, cette priorité donnée au service, au point de vue de la valeur, sur le produit. On va voir que cela tient à une circonstance qu’il était aisé d’apercevoir, et qu’on n’a pas observée, précisément parce qu’elle crève les yeux. Elle n’est autre que cette prévoyance naturelle à l’homme, en vertu de laquelle, au lieu de se borner à rendre les services qu’on lui demande, il se prépare d’avance à rendre ceux qu’il prévoit devoir lui être demandés. C’est ainsi que le facio ut facias se transforme en do ut des, sans cesser d’être le fait dominant et explicatif de toute transaction.

Jean dit à Pierre : Je désire une coupe. Ce serait à moi de la faire ; mais si tu veux la faire pour moi, tu me rendras un service que je payerai par un service équivalent.

Pierre accepte. En conséquence, il se met en quête de terres convenables, il les mélange, il les manipule ; bref, il fait ce que Jean aurait dû faire.

Il est bien évident ici que c’est le service qui détermine la valeur. Le mot dominant de la transaction c’est facio. Et si plus tard la valeur s’incorpore dans le produit, ce n’est que parce qu’elle découlera du service, lequel est la combinaison du travail exécuté par Pierre et du travail épargné à Jean.

Or il peut arriver que Jean fasse souvent à Pierre la même proposition, que d’autres personnes la lui fassent aussi, de telle sorte que Pierre puisse prévoir avec certitude que ce genre de services lui sera demandé, et se préparer à le