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valeur ne se serait jamais introduite dans ce monde. Par la présence de ces obstacles, l’utilité n’est gratuite qu’à la condition d’efforts échangés, qui, comparés entre eux, constatent la valeur. Plus les obstacles s’abaissent devant la libéralité de la nature ou les progrès des sciences, plus l’utilité s’approche de la gratuité et de la communauté absolues, car la condition onéreuse et par conséquent la valeur diminuent avec ces obstacles. Je m’estimerais heureux si, à travers toutes ces dissertations qui peuvent paraître subtiles, et dont je suis condamné à redouter tout à la fois la longueur et la concision, je parviens à établir cette vérité rassurante : propriété légitime de la valeur, — et cette autre vérité consolante : communauté progressive de l’utilité.

Encore une remarque : Tout ce qui sert est utile (uti, servir) ; à ce titre, il est fort douteux qu’il existe rien dans l’univers ; force ou matière, qui ne soit utile à l’homme.

Nous pouvons affirmer du moins, sans crainte de nous tromper, qu’une foule de choses nous sont utiles à notre insu. Si la lune était placée plus haut ou plus bas, il est fort possible que le règne inorganique, par suite, le règne végétal, par suite encore, le règne animal, fussent profondément modifiés. Sans cette étoile qui brille au firmament pendant que j’écris, peut-être le genre humain ne pourrait-il exister. La nature nous a environnés d’utilités. Cette qualité d’être utiles, nous la reconnaissons dans beaucoup de substances et de phénomènes ; dans d’autres, la science et l’expérience nous la révèlent tous les jours ; dans d’autres encore, elle existe quoique complétement et peut-être pour toujours ignorée de nous.

Quand ces substances et ces phénomènes exercent sur nous, mais sans nous, leur action utile, nous n’avons aucun intérêt à comparer le degré d’utilité dont ils nous sont, et, qui plus est, nous n’en avons guère les moyens. Nous savons que l’oxygène et l’azote nous sont utiles, mais nous n’es-