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tant, il vaut plus ou moins ; l’utilité est et reste toujours gratuite.

Que s’il intervient un instrument de travail, qu’en résulte-t-il ? que l’utilité est plus facilement recueillie. Aussi le service a-t-il moins de valeur. Nous payons certainement moins cher les livres depuis l’invention de l’imprimerie. Phénomène admirable et trop méconnu ! Vous dites que les instruments de travail produisent de la Valeur ; vous vous trompez, c’est de l’Utilité et de l’Utilité gratuite qu’il faut dire. Quant à de la Valeur, ils en produisent si peu, qu’ils l’anéantissent de plus en plus.

Il est vrai que celui qui a fait la machine a rendu service. Il reçoit une rémunération dont s’augmente la valeur du produit. C’est pourquoi nous sommes disposés à nous figurer que nous rétribuons l’utilité produite par la machine : c’est une illusion. Ce que nous rétribuons, ce sont les services que nous rendent tous ceux qui ont concouru à la faire confectionner ou fonctionner. La valeur est si peu dans l’utilité produite, que, même après avoir rétribué ces nouveaux services, l’utilité nous est acquise à de meilleures conditions qu’avant.

Habituons-nous donc à distinguer l’Utilité de la Valeur. Il n’y a de science économique qu’à ce prix. Loin que l’Utilité et la Valeur soient identiques ou même assimilables, j’ose affirmer, sans crainte d’aller jusqu’au paradoxe, que ce sont des idées opposées. Besoin, Effort, Satisfaction, voilà l’homme, avons-nous dit, au point de vue économique. Le rapport de l’Utilité est avec le Besoin et la Satisfaction. Le rapport de la Valeur est avec l’Effort. L’Utilité est le Bien qui fait cesser le Besoin par la satisfaction. La Valeur est le mal, car elle naît de l’obstacle qui s’interpose entre le besoin et la satisfaction ; sans ces obstacles il n’y aurait pas d’efforts à faire et à échanger, l’utilité serait infinie, gratuite et commune sans condition, et la notion de