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science, faite sur une autre donnée, se trouvait d’avance matérialisée au point de rendre cette extension choquante. Qu’est-ce que : « Consommer un produit immatériel ? L’homme est un capital accumulé ? La sécurité est une marchandise ? » etc., etc.

Non-seulement on matérialisait outre mesure la langue, mais on était réduit à la surcharger de distinctions subtiles, afin de réconcilier les idées qu’on avait faussement séparées. On imaginait la valeur d’usage par opposition à la valeur d’échange, etc.

Enfin, et ceci est bien autrement grave, grâce à cette confusion des deux grands phénomènes sociaux, la propriété et la communauté, l’un restait injustifiable et l’autre indiscernable.

En effet, si la valeur est dans la matière, elle se confond avec les qualités physiques des corps qui les rendent utiles à l’homme. Or ces qualités y sont souvent mises par la nature. Donc la nature concourt à créer la valeur, et nous voilà attribuant de la Valeur à ce qui est gratuit et commun par essence. Où est donc alors la base de la propriété ? Quand la rémunération que je cède pour acquérir un produit matériel, du blé, par exemple, se distribue entre tous les travailleurs qui, à l’occasion de ce produit, m’ont, de près ou de loin, rendu quelque service, à qui va cette part de rémunération correspondante à la portion de Valeur due à la nature et étrangère à l’homme ? Va-t-elle à Dieu ? Nul ne le soutient, et l’on n’a jamais vu Dieu réclamer son salaire. Va-t-elle à un homme ? À quel titre, puisque, dans l’hypothèse, il n’a rien fait ?

Et qu’on n’imagine pas que j’exagère, que, dans l’intérêt de ma définition, je force les conséquences rigoureuses de la définition des économistes. Non, ces conséquences, ils les ont très-explicitement tirées eux-mêmes sous la pression de la logique.

Ainsi, Senior en est arrivé à dire : « Ceux qui se sont em-