Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/133

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De toutes les harmonies qui se rencontrent sous ma plume, celle-ci est certainement la plus importante, la plus belle, la plus décisive, la plus féconde. Elle implique et résume toutes les autres. C’est pourquoi je n’en pourrai donner ici qu’une démonstration fort incomplète. Heureux si elle jaillit de l’esprit de ce livre. Heureux encore si elle en sortait du moins avec un caractère de probabilité suffisant pour déterminer le lecteur à s’élever par ses propres efforts à la certitude !

Car, il n’en faut pas douter, c’est là qu’est la raison de décider entre l’Organisation naturelle et les Organisations artificielles : c’est là, exclusivement là, qu’est le Problème Social. Si la prospérité de tous est la condition de la prospérité de chacun, nous pouvons nous fier non-seulement à la puissance économique de l’échange libre, mais encore à sa force morale. Il suffira que les hommes comprennent leurs vrais intérêts pour que les restrictions, les jalousies industrielles, les guerres commerciales, les monopoles, tombent sous les coups de l’opinion ; pour qu’avant de solliciter telle ou telle mesure gouvernementale on se demande non pas : « Quel bien m’en reviendra-t-il ? » mais : « Quel bien en reviendra-t-il à la communauté ? » Cette dernière question, j’accorde qu’on se la fait quelquefois en vertu du principe sympathique, mais que la lumière se fasse, et on se l’adressera aussi par Intérêt personnel. Alors il sera vrai de dire que les deux mobiles de notre nature concourent vers un même résultat : le Bien Général ; et il sera impossible de dénier à l’intérêt personnel, non plus qu’aux transactions qui en dérivent, du moins quant à leurs effets, la Puissance Morale.

Que l’on considère les relations d’homme à homme, de famille à famille, de province à province, de nation à nation, d’hémisphère à hémisphère, de capitaliste à ouvrier, de propriétaire à prolétaire, — il est évident, ce me semble, qu’on ne peut ni résoudre ni même aborder le problème