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velle, qui a aussi son article 79. Cet article a soufflé dans l’oreille de nos deux députés ces mots séducteurs : « Si vous parvenez à faire périr M. Molé à force d’impopularité, un de vous prendra sa place. » Et nos deux champions, qui n’ont jamais pu s’entendre sur rien, s’entendent parfaitement pour amasser sur la tête de M. Molé des flots d’impopularité.

Quel terrain vont-ils choisir ? Ce sera celui des questions extérieures. C’est à peu près le seul où deux hommes d’opinions politiques opposées puissent momentanément se rencontrer. D’ailleurs, il est merveilleusement propre au but qu’on a en vue. « Le ministère est lâche, traître, il humilie le drapeau français ; nous sommes, nous, les vrais patriotes, les défenseurs de l’honneur national. » Quoi de mieux calculé pour abaisser son adversaire et s’élever soi-même aux yeux d’une opinion publique, qu’on sait être si chatouilleuse en fait de point d’honneur ? Il est vrai que si on pousse trop loin, dans les masses, cette exaltation de patriotisme, il en pourra résulter d’abord une échauffourée, ensuite une conflagration universelle. Mais ce n’est là qu’une éventualité secondaire aux yeux d’une coalition, l’essentiel est de saisir le pouvoir.

À l’époque dont nous parlons, M. Molé avait trouvé la France engagée par un traité qui portait textuellement, si je ne me trompe, cette clause : « Quand les Autrichiens quitteront les Légations, les Français quitteront Ancône. » Or, les Autrichiens ayant évacué les Légations, les Français évacuèrent Ancône. Rien au monde de plus naturel et de plus juste. À moins de prétendre que la gloire de la France consiste à violer les traités et que la parole lui a été donnée pour tromper ceux avec qui elle traite, M. Molé avait mille fois raison.

C’est pourtant sur cette question que MM. Thiers et Guizot, secondés par l’opinion égarée, parvinrent à le renver-