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jorem, vous n’avez pas prouvé l’attrait de la puissance. »

Eh bien ! je m’obstine à maintenir ma proportion dénuée de preuves ! Des preuves ! Mais ouvrez donc au hasard les annales de l’humanité ! Consultez l’histoire ancienne ou moderne, sacrée ou profane, demandez-vous d’où sont venues toutes ces guerres de races, de classes, de nations, de familles ! Vous obtiendrez toujours cette réponse invariable : De la soif du pouvoir.

Cela posé, la loi n’agit-elle pas avec une bien aveugle imprudence, quand elle offre la candidature du pouvoir aux hommes mêmes qu’elle charge de contrôler, critiquer, accuser et juger ceux qui le détiennent ? Je ne me défie pas plus qu’un autre du cœur de tel ou tel homme ; mais je me défie du cœur humain, quand il est placé, par une loi téméraire, entre le devoir et l’intérêt. Malgré les plus éloquentes déclamations du monde sur la pureté et le désintéressement de la magistrature, je n’aimerais pas à avoir mon petit pécule dans un pays où le juge pourrait prononcer la confiscation à son profit. De même, je plains le ministre qui a à se dire :

« La nation m’oblige à rendre compte à des hommes qui ont bonne envie de me remplacer, et qui le peuvent pourvu qu’ils me trouvent en faute. » Allez donc prouver votre innocence à de tels juges !

Mais ce n’est pas le ministre seulement qu’il faut plaindre ; c’est surtout la nation. Une lutte terrible va s’ouvrir, c’est elle qui fera l’enjeu ; et cet enjeu c’est son repos, son bien-être, sa moralité et jusqu’à la justesse de ses idées.

Les fonctions salariées auxquelles, par exception à l’article 28 de la constitution, les membres de l’Assemblée nationale peuvent être appelés, pendant la durée de la législature, par le choix du pouvoir exécutif, sont celles de Ministre.

Oh ! il y a là un péril si grand, si palpable que, si nous n’avions à cet égard aucune expérience, si nous étions ré-