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compatible avec les grands impôts, quoi qu’on en dise.

J’ai lu un mot d’un homme d’État très-célèbre, M. Guizot, le voici : « La liberté est un bien trop précieux pour qu’un peuple la marchande. »

Eh bien, quand j’ai lu cette sentence il y a longtemps, je me suis dit : « Si jamais cet homme gouverne le pays, il perdra non-seulement les finances, mais la liberté de la France. »

Et, en effet, je vous prie de remarquer, comme je le disais tout à l’heure, que les fonctions publiques ne sont jamais neutres ; si elles ne sont pas indispensables, elles sont nuisibles.

Je dis qu’il y a incompatibilité radicale entre un impôt exagéré et la liberté.

Le maximum de l’impôt, c’est la servitude ; car l’esclave est l’homme à qui l’on prend tout, même la liberté de ses bras et de ses facultés. (Très-bien !)

Eh bien, est-ce que si l’État ne payait pas à nos dépens un culte, par exemple, nous n’aurions pas la liberté des cultes ? Est-ce que si l’État ne payait pas à nos dépens l’université, nous n’aurions pas la liberté de l’instruction publique ? Est-ce que si l’État ne payait pas à nos dépens une bureaucratie très-nombreuse, nous n’aurions pas la liberté communale et départementale ? Est-ce que si l’État ne payait pas à nos dépens des douaniers, nous n’aurions pas la liberté du commerce ? (Très-bien ! très-bien ! — Mouvement prolongé.)

Car qu’est-ce qui manque le plus aux hommes de ce pays-ci ? Un peu de confiance en eux-mêmes, le sentiment de leur responsabilité. Il n’est pas bien étonnant qu’ils l’aient perdu, on les a habitués à le perdre à force de les gouverner. Ce pays est trop gouverné, voilà le mal.

Le remède est qu’il apprenne à se gouverner lui-même, qu’il apprenne à faire la distinction entre les attributions