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beaucoup de temps, quand toutes les propriétés ont changé de mains, à la suite d’arrangements économiques qui sont longs à se faire, que ce grand résultat est atteint ; et, pendant tout le temps que dure cette révolution, les souffrances peuvent être très-grandes, énormes. Je vais en citer un exemple.

Dans mon arrondissement qui est vinicole, il y avait autrefois une très-grande prospérité ; l’aisance était générale ; on cultivait la vigne ; le vin était consommé soit sur les lieux, soit dans les plaines environnantes, où l’on ne cultivait pas la vigne, soit à l’étranger, dans le nord de l’Europe.

Tout à coup, la guerre des douanes, d’un côté, la guerre des octrois, de l’autre, et les droits réunis sont venus et ont déprécié la valeur de ce vin.

Le pays dont je parle était cultivé tout entier, surtout en ce qui concerne la vigne, par des métayers. Le métayer avait la moitié, le propriétaire, l’autre moitié du produit. La superficie des métairies était cultivée de telle sorte qu’un métayer et sa famille pouvaient vivre du produit de la moitié du vin qui leur revenait ; mais la valeur du vin se trouvant dépréciée, il est arrivé que le métayer n’a plus pu vivre avec sa portion. Alors il s’est adressé à son propriétaire et il lui a dit : Je ne puis plus cultiver votre vigne si vous ne me nourrissez pas. Le propriétaire lui a donné du maïs pour vivre, et puis, au bout de l’année, il a pris toute la récolte pour se rembourser de ses avances. La récolte n’ayant pas suffi au recouvrement de ses avances, le contrat s’est modifié non pas devant le notaire, mais de fait ; le propriétaire a eu des ouvriers auxquels il n’a donné, pour tout prix de leur travail, que leur nourriture en maïs.

Mais il a fallu sortir de cet état de choses, et voici comment la révolution s’est opérée. On a agrandi les métairies, c’est-à-dire que de trois on en a fait deux, ou de deux une ; puis, en arrachant quelques champs de vigne, et en mettant