Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/463

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que lui n’a manifesté la prétention de se faire le régulateur exclusif de l’Équilibre européen, et cet équilibre a été dix fois compromis sans qu’il ait bougé. — Il s’était arrogé le monopole des colonies ; et nous avons pris Alger et les Marquises, sans qu’il ait bougé. Il est vrai qu’en ceci il pourrait être soupçonné de nous avoir vus, avec une mauvaise humeur apparente et une joie secrète, nous attacher aux pieds deux boulets. — Il se disait propriétaire de l’Orégon, patron du Texas ; et les États-Unis ont pris l’Orégon, le Texas, et une partie du Mexique par-dessus le marché, sans qu’il ait bougé. — Tout cela nous prouve que, si l’esprit des gouvernants est à la guerre, l’esprit des gouvernés est à la paix ; et, quant à moi, je ne vois pas pourquoi nous aurions fait une révolution démocratique, si ce n’est pour faire triompher l’esprit de la démocratie, de cette démocratie laborieuse qui paie bien les frais d’un appareil militaire, mais qui n’en peut jamais rien retirer que ruine, dangers et oppression.

Je crois donc que le moment est venu où tout le génie de la révolution française doit se résumer, se manifester et se glorifier solennellement, par un de ces actes de grandeur, de loyauté, de progrès, de foi en lui-même et de confiance en sa force, tel que le soleil n’en a jamais éclairé. Je crois que le moment est venu où la France doit déclarer résolument qu’elle voit la Solidarité des peuples dans l’enchaînement de leurs intérêts et la communication de leurs idées, et non dans l’interposition de la force brutale. Et pour donner à cette déclaration un poids irrésistible, — car qu’est-ce qu’un manifeste, quelque éloquent qu’il soit ? — je crois que le moment est venu pour elle de dissoudre cette force brutale elle-même.

Si notre chère et glorieuse patrie prenait en Europe l’initiative de cette révolution, quelles en seraient les conséquences ?