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que le travail et la satisfaction se balancent dans le même individu ; ce n’est qu’alors qu’il peut dire : « J’ai fait ceci pour la société, elle a fait cela pour moi. » En un mot, ce n’est qu’alors que l’Échange est réellement accompli. Rien n’est donc plus exact que cette observation de J. B. Say : « Depuis l’introduction de la monnaie, chaque échange se décompose en deux facteurs, la vente et l’achat. » C’est la réunion de ces deux facteurs qui constitue l’échange complet.

Il faut dire aussi que la constante apparition de l’argent dans chaque échange a bouleversé et égaré toutes les idées ; les hommes ont fini par croire que l’argent était la vraie richesse, et que le multiplier c’était multiplier les services et les produits. De là le régime prohibitif, de là le papier-monnaie, de là le célèbre aphorisme : « Ce que l’un gagne, l’autre le perd, » et autres erreurs qui ont ruiné et ensanglanté la terre[1].

Après avoir beaucoup cherché, on a trouvé que pour que deux services échangés eussent une valeur équivalente, pour que l’échange fût équitable, le meilleur moyen c’était qu’il fût libre. Quelque séduisante que soit au premier coup d’œil l’intervention de l’État, on s’aperçoit bientôt qu’elle est toujours oppressive pour l’une ou l’autre des parties contractantes. Quand on scrute ces matières, on est forcé de raisonner toujours sur cette donnée que l’équivalence résulte de la liberté. Nous n’avons en effet aucun autre moyen de savoir si, dans un moment déterminé, deux services se valent, que d’examiner s’ils s’échangent couramment et librement entre eux. Faites intervenir l’État, qui est la force, d’un côté ou de l’autre, à l’instant tout moyen

  1. Cette erreur est combattue dans le pamphlet intitulé Maudit argent ! — Il vient immédiatement après celui-ci. (Note de l’éditeur.)