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suite, quand il vous tenait, il vous faisait payer 80 c., 1 fr. et 1 fr. 20 c. ce qui lui coûtait un sou.

Parlerai-je du sel ? Il a été bien constaté, dans une discussion récente, qu’on peut faire du sel en quantité indéfinie, dans le midi de la France, à 50 c. Le fisc le frappait d’un droit de 30 fr. Soixante fois la valeur de la chose ! et on appelle cela une contribution ! Je contribue pour soixante, parce que je possède un ! Je gagnerais 6,000 pour cent à abandonner ma propriété au gouvernement !

Ce serait bien pis, si je parlais de la douane. Ici le gouvernement a deux buts bien arrêtés : le premier, d’élever le prix des choses, de soustraire au travail ses matériaux, d’augmenter les difficultés de la vie ; le second, de combiner et grossir les taxes, de telle sorte que le fisc n’en perçoive rien, rappelant ce mot d’un petit maître à son tailleur, à propos d’un haut-de-chausses : « Si j’y entre, je ne le prends pas. »

Enfin l’exorbitante exagération de ces taxes ne peut manquer de stimuler l’esprit de fraude. Dès lors le gouvernement est obligé de s’entourer de plusieurs armées de fonctionnaires, de mettre toute la nation en suspicion, d’imaginer toutes sortes d’entraves, de formalités, toutes choses qui paralysent le travail et s’alimentent au budget.

Tel est notre système contributif. Nous n’avons aucun moyen d’exprimer en chiffres ses conséquences. Mais quand, d’un côté, on étudie ce mécanisme, et que, de l’autre, on constate dans une grande partie de notre population l’impuissance de consommer, n’est-il pas permis de se demander si ces deux faits ne sont pas entre eux dans les rapports de cause à effet ? N’est-il pas permis de se demander si nous relèverons ce pays-ci et ses finances en persévérant dans la même voie, à supposer même que la désaffection publique nous en laisse le temps ? Vraiment, il me semble que nous ressemblons un peu à un homme qui, étant