Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était naguère la voie qu’explorait le socialisme. Cette fixité de l’un des deux termes lui paraissait rétrograde. Je pourrais démontrer qu’elle est un progrès ; mais non est hic locus.

Voici une école — et elle se dit le socialisme tout entier, — qui va bien plus loin. Elle affirme que toute récompense doit être déniée à l’un des éléments de la production, au capital. Et cette école a écrit sur son drapeau : Crédit gratuit à la place de son ancienne devise : La propriété, c’est le vol !

Socialistes, j’en appelle à votre bonne foi, n’est-ce pas un même sens sous d’autres mots ?

Il n’est pas possible de contester, en principe, la justice et l’utilité d’une répartition entre le capital et le travail.

Reste à savoir quelle est la loi de cette répartition.

Et vous ne tarderez pas à la trouver dans cette formule : plus l’un des deux éléments abonde relativement à l’autre, plus sa part proportionnelle se réduit, et réciproquement.

Et s’il en est ainsi, la propagande du crédit gratuit est une calamité pour la classe ouvrière.

Car, de même que les capitalistes se feraient tort à eux-mêmes si, après avoir proclamé l’illégitimité du salaire, ils réduisaient les travailleurs à mourir ou à s’expatrier ; de même, les travailleurs se suicident quand, après avoir proclamé l’illégitimité de l’intérêt, ils forcent le capital à disparaître.

Si cette doctrine funeste se répand, si la voix du suffrage universel peut faire supposer qu’elle ne tardera pas à invoquer le secours de la loi, c’est-à-dire de la force organisée, n’est-il pas évident que le capital effrayé, menacé de perdre son droit à toute récompense, sera contraint de fuir, de se cacher, de se dissiper ? Il y aura moins d’entreprises de tout genre pour un nombre de travailleurs resté le même. Le résultat peut s’exprimer en deux mots : hausse de l’intérêt et baisse des salaires.