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Pour nous faire comprendre les merveilles de son invention, M. Proudhon la soumet à une épreuve décisive, celle de la comptabilité commerciale.

Il compare deux systèmes.

Dans l’un, le travailleur emprunte gratis (nous venons de voir comment), puis, en vertu de l’axiome, tout travail laisse un excédant, il réalise 10 pour cent de profit.

Dans l’autre, le travailleur emprunte à 10 pour cent. L’axiome économique ne reparaît pas, et il s’ensuit une perte.

Appliquant la comptabilité à ces hypothèses, M. Proudhon nous prouve, par des chiffres, que le travailleur est beaucoup plus heureux dans un cas que dans l’autre.

Je n’avais pas besoin de la partie double pour en être convaincu.

Mais je fais observer à M. Proudhon que ses comptes décident la question. Je n’ai jamais mis en doute qu’il ne fût très-agréable d’avoir, sans rien payer, l’usage de maisons bien meublées, de terres bien préparées, d’outils et de machines bien puissantes. Il serait plus agréable encore que les alouettes nous tombassent toutes rôties dans la bouche, et quand M. Proudhon voudra, je le lui prouverai par doit et avoir. — La question est précisément de savoir si tous ces miracles sont possibles.

Je me suis donc permis de faire observer à M. Proudhon que je ne contestais pas l’exactitude de sa comptabilité, mais bien la réalité des données sur lesquelles elle repose.

Sa réponse est curieuse :

« Telle est l’essence de la comptabilité qu’elle ne dépend pas de la certitude de ses données. Elle ne souffre pas de données fausses. Elle est par elle-même, et malgré la volonté du comptable, la démonstration de la vérité ou de la fausseté de ses propres données. C’est en vertu de cette propriété que les livres du négociant font foi en justice. »