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Ce qui se passe à la Banque de France est une leçon qui ne peut être perdue. Elle a émis depuis deux ans beaucoup de billets. Mais le nombre des transactions ne s’en est pas accru. Il dépend d’autres causes, et ces causes ont agi dans le sens d’une diminution d’affaires. Aussi, qu’est-il arrivé ? C’est qu’à mesure que la Banque émettait des billets, le numéraire affluait dans ses caves, de telle sorte qu’un instrument d’échange s’est substitué à un autre. Voilà tout.

Je vais plus loin, il se peut que les transactions augmentent sans que l’instrument des échanges s’accroisse. Il se fait plus d’affaires en Angleterre qu’en France, et cependant la somme réunie des billets et des espèces y est moindre. Pourquoi ? Parce que les Anglais, par l’intermédiaire des banquiers, font beaucoup de compensations, de virements de parties.

Dans les idées de M. Proudhon, sa banque a pour objet de réduire les payements à des virements de parties. C’est précisément ce que font les écus, d’une manière, à la vérité, assez dispendieuse. Les billets de banque sont un appareil qui arrive au même résultat à moins de frais ; et le clearing house des Anglais est moins coûteux encore. Mais de quelque manière qu’on s’y prenne pour compenser les paiements, qu’ont de commun ces procédés divers, plus ou moins perfectionnés, avec le principe de l’intérêt ? Y en a-t-il un seul qui fasse que le travail antérieur ne doive pas être rémunéré et que le temps n’ait pas son prix ?

Gorger la circulation de billets n’est donc le moyen ni d’accroître la richesse, ni de détruire la rente. De plus, livrer des billets à tout venant, c’est mettre la banque en faillite avant six mois.

Aussi M. Proudhon fuit le premier membre de mon dilemme et se réfugie dans le second.

« Que la Banque fasse son métier avec prudence et sévé-