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Il n’a pas répliqué ; mais il s’est jeté, contre son habitude, dans l’argument sentimentaliste. Il fallait qu’il fût bien à bout de ressources pour recourir à celle-là.

Donc, il m’a proposé des cas extrêmes, où un homme ne pourrait, sans faire horreur, exiger du prêt une rémunération. Par exemple, un riche propriétaire habitant la côte, qui recueillerait un naufragé et lui prêterait des vêtements, pourrait-il pousser ses exigences jusqu’à l’extrême limite ?

J’ai répondu à M. Proudhon… ou plutôt M. Proudhon s’était répondu à lui-même par un autre exemple, d’où il résulte que dans certains cas extrêmes, la rémunération de la vente, ou même celle du travail, serait tout aussi abominable que celle du prêt. Il en serait ainsi de l’homme qui, pour tendre la main à son frère près d’être englouti dans les flots, exigerait le plus grand prix qu’on puisse obtenir dans ces circonstances.

Ainsi cet argument de M. Proudhon n’attaque pas seulement l’intérêt, mais toute rémunération : moyen certain d’établir la gratuité universelle.

De plus, il ouvre la porte à toutes ces théories sentimentalistes (que M. Proudhon combat avec tant de force et de raison) qui veulent à toute force faire reposer les affaires de ce monde sur le principe de l’abnégation.

Enfin, comme le Protée de la Fable, dont on disait : « Pour le vaincre, il faut l’épuiser, » M. Proudhon, chassé de la contradiction à la compensation, de la compensation à la privation, de la privation à la transformation, de la transformation à l’abnégation, a quitté tout à coup la controverse et est venu à l’exécution.

Le moyen d’exécution qu’il propose pour réaliser la gratuité du crédit, c’est le papier-monnaie. — Je ne l’ai pas nommé, dit-il. — C’est vrai. Mais qu’est-ce donc qu’une