Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi ; si j’échoue, tant pis pour les autres. » Je ne puis concevoir, quant à moi, le jeu régulier des transactions humaines en dehors de la loi de responsabilité. Mais, sans rechercher ici les effets moraux de votre invention, toujours est-il qu’elle ôte à la Banque nationale toute condition de crédit et de durée.

Vous me direz peut-être qu’avant de livrer ses billets la Banque s’enquerra avec soin du degré de confiance que méritent les demandeurs. Propriété, moralité, activité, intelligence, prudence, tout sera scruté et pesé avec soin. Mais prenez garde ; si, d’un côté, vous exigez que la Banque ait un capital primitif de garantie, si, de l’autre, elle ne prête qu’en toute sécurité, que fera-t-elle de plus que ne font aux États-Unis les Banques libres ? Et celui qui est pauvre diable aujourd’hui ne sera-t-il pas pauvre diable sous votre régime ?

Je ne crois pas que vous puissiez sortir de ces alternatives :

Ou la Banque aura un capital dont elle paiera l’intérêt, et alors elle ne pourra, sans se ruiner, prêter sans intérêt.

Ou elle disposera d’un capital gratuit, et, en ce cas, expliquez-nous d’où elle le tirera, en dehors de A, B, C, D, etc., qui forment toute la nation ?

Dans l’une et l’autre hypothèse, ou elle prêtera avec mesure et discernement, et alors vous n’aurez pas le crédit universel ; ou elle prêtera sans garantie, et en ce cas elle fera faillite avant deux mois.

Mais passons sur ces premières difficultés.

A, que vous mettez en scène, est capitaliste, partant avisé, prudent, timoré, peureux même. Ce n’est pas vous qui le nierez. Après tout, cela lui est bien permis. Tout ce qu’il a, il l’a acquis au prix de ses sueurs, et ne veut pas s’exposer à le perdre. Ce sentiment, au point de vue social, est éminemment conservateur. Avant donc de livrer ses ca-