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spoliation partielle par l’institution des douanes, d’autres classes ne voudront pas, par d’autres institutions, réaliser la Spoliation universelle ?

Je sais bien que vous avez un sophisme toujours prêt ; vous dites : « Les faveurs que la loi nous accorde ne s’adressent pas à l’industriel, mais à l’industrie. Les profits qu’elle nous permet de prélever, aux dépens des consommateurs, ne sont qu’un dépôt entre nos mains[1]. »

« Ils nous enrichissent, c’est vrai, mais notre richesse, nous mettant à même de dépenser davantage, d’agrandir nos entreprises, retombe comme une rosée féconde sur la classe ouvrière. »

Tel est votre langage ; et ce que je déplore, c’est que vos misérables sophismes ont assez perverti l’esprit public pour qu’on les invoque aujourd’hui à l’appui de tous les procédés de Spoliation légale. Les classes souffrantes disent aussi : Laissez-nous prendre législativement le bien d’autrui. Nous aurons plus d’aisance ; nous achèterons plus de blé, plus de viande, plus de draps, plus de fer, et ce que nous aurons reçu par l’impôt reviendra en pluie bienfaisante aux capitalistes et aux propriétaires.

Mais, je l’ai déjà dit, je ne discute pas aujourd’hui les conséquences économiques de la Spoliation légale. Quand MM. les protectionistes le voudront, ils me trouveront prêt à examiner le sophisme des ricochets[2], qui du reste peut être invoqué pour tous les genres de vols et de fraudes.

Bornons-nous aux effets politiques et moraux de l’échange législativement privé de liberté.

Je dis : le temps est venu de savoir enfin ce qu’est la Loi, ce qu’elle doit être.

  1. Moniteur du 28 avril. Voir l’opinion de M. Devinck.
  2. Il se trouve implicitement réfuté aux chap. xii de la première série, iv et xiii de la seconde série des Sophismes. Voy., tome IV, pages 74, 160 et 229. (Note de l’éditeur.)