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Il perd plus que cela ; il perd le seul titre que vous lui reconnaissez. Si, sous l’empire de la liberté et du droit, l’intérêt persiste, c’est sans doute qu’il a, quoi que vous en disiez, une autre raison d’être que la force.

En vérité, je ne comprends plus votre distinguo. Vous disiez : « L’intérêt a été juste autrefois, il ne l’est plus aujourd’hui. » Et quelle raison en donnez-vous ? Celle-ci : « Jadis la force régnait, aujourd’hui c’est le droit. » Loin de conclure de là que l’intérêt a passé de la légitimité à l’illégitimité, n’est-ce pas le contraire qui se déduit de vos prémisses ?

Et certes, le fait confirmerait cette déduction ; car l’usure a pu être odieuse quand on devenait capitaliste par la rapine, et l’intérêt est justifié depuis qu’on le devient par le travail.

« C’est dans le commerce de mer qu’il faut chercher l’origine de l’intérêt. Le contrat à la grosse, variété ou plutôt démembrement du contrat de pacotille, fut sa première forme. »

Je crois que le capital a une nature qui lui est propre, parfaitement indépendante de l’élément par lequel les hommes exécutent leurs transports. Qu’ils voyagent et fassent voyager leurs marchandises par terre, par eau ou par l’air, en char, en barque ou en ballon, cela ne confère ni ne retire aucun droit au capital.

Il est d’ailleurs permis de penser que la pratique de l’intérêt a été antérieure à celle du commerce maritime. Très-probablement le patriarche Abraham ne prêtait pas des troupeaux sans se réserver une part quelconque dans le croît, et ceux qui, après le déluge, bâtirent à Babylone les premières maisons, n’en cédaient sans doute pas l’usage sans rétribution.

Eh quoi ! Monsieur, ces transactions, qui ont prévalu et s’accomplissent volontairement depuis le commencement