Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le premier qui se soit fait cette illusion. Law disait : « La loi de la circulation est la seule qui puisse sauver les empires. » Il agit sur ce principe, et, au lieu de sauver la France, il la perdit.

Je dis : une chose est la circulation des capitaux et les frais qu’elle entraîne ; autre chose est l’intérêt des capitaux. Les capitaux d’une nation consistent en matériaux de toutes sortes, approvisionnements, outils, marchandises, espèces, et ces choses-là ne se prêtent pas pour rien. Selon que la société est plus ou moins avancée, il y a plus ou moins de facilité à faire passer un capital donné, ou sa valeur, d’un lieu à un autre lieu, d’une main à une autre main ; mais cela n’a rien de commun avec l’abolition de l’intérêt. Un Parisien désire prêter, un Bayonnais désire emprunter. Mais le premier n’a pas la chose qui convient au second. D’ailleurs, ils ne connaissent pas réciproquement leurs intentions ; ils ne peuvent s’aboucher, s’accorder, conclure. Voilà les obstacles à la circulation. Ces obstacles vont diminuant sans cesse, d’abord par l’intervention du numéraire, puis par celle de la lettre de change, successivement par celle du banquier, de la Banque nationale, des banques libres.

C’est une circonstance heureuse pour les consommateurs des capitaux, comme il est heureux pour les consommateurs de vin, que les moyens de transport se perfectionnent. Mais, d’une part, jamais les frais de circulation ne peuvent descendre à zéro, puisqu’il y a toujours là un intermédiaire qui rend service ; et, d’autre part, ces frais fussent-ils complétement anéantis, l’Intérêt subsisterait encore, et n’en serait même pas sensiblement affecté. Il y a des banques libres aux États-Unis ; elles sont sous l’influence des ouvriers eux-mêmes, qui en sont les actionnaires ; et, de plus, elles sont, vu leur nombre, toujours à leur portée ; chaque jour, les uns y déposent leurs économies, les autres y reçoivent