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100,000 francs, parce qu’ils ne produiront plus intérêt ? Est-ce que 500,000 francs en terres, en maisons, en machines ou autrement cesseront d’être 500,000 francs parce que l’on n’en tirera plus la rente ? En un mot, la richesse acquise, sous quelque forme et de quelque manière qu’elle le soit, ne sera-t-elle plus une richesse parce que je ne pourrai m’en servir pour spolier autrui ? — Qui voudra créer la richesse ? Mais tous ceux qui désireront être riches. — Qui épargnera ? Mais tous ceux qui voudront vivre le lendemain sur le travail de la veille. — Quel intérêt y aura-t-il à former le capital ? L’intérêt de posséder 10,000 francs quand on aura produit 10,000 francs, d’en posséder 100,000, quand on en aura produit 100,000, et ainsi de suite.

« La loi, dites-vous, nous ravira la perspective d’amasser un peu de bien, puisqu’elle nous interdira d’en tirer aucun parti. » Tout au contraire, la loi assurera à tous la perspective d’amasser autant de richesses qu’ils ont produit de travail, en interdisant à chacun de spolier son voisin du fruit de ses labeurs, et en voulant que les services échangés se vaillent : usage contre usage et propriété contre propriété. « Elle détruira en nous, ajoutez-vous, et le stimulant de l’épargne dans le présent et l’espérance du repos dans l’avenir. Nous aurons beau nous exténuer de fatigues, il faut renoncer à transmettre à nos fils et à nos filles un petit pécule, puisque la science moderne le frappe de stérilité, puisque nous deviendrions des exploiteurs d’hommes si nous prêtions à intérêt. » Tout au contraire, l’abolition de l’intérêt du capital ravive en vous le stimulant de l’épargne dans le présent et vous assure l’espérance du repos dans l’avenir, puisqu’elle vous empêche, vous, travailleurs, d’être dépouillés, par la rente, de la plus grande part du fruit de votre travail, et qu’en vous obligeant à ne pouvoir dépenser que la somme exacte de ce que vous avez gagné, elle rend l’épargne plus indispensable encore à tous, riches ou pau-