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rabot cédé, je dois te rendre un rabot pareil, ou égale valeur en argent ; de même pour l’usage de cette valeur pendant un an, je te dois l’usage de pareille somme pendant un an aussi. Dans l’un comme dans l’autre cas « les services échangés se valent. »

Cela posé, voici, ce me semble, une série de conséquences dont il est impossible de contester la justesse :

1° Si l’usage paie l’usage, et si la cession purement temporaire par l’emprunteur de l’usage d’une valeur égale « est une rétribution naturelle, équitable, juste prix d’un service d’usage, nous pouvons en conclure, en généralisant, qu’il est contraire à la nature du capital de produire un intérêt. » En effet, il est bien clair qu’après l’usage réciproque des deux services échangés, chaque propriétaire n’étant rentré que dans la valeur exacte de ce qu’il possédait auparavant, il n’y a intérêt ou productivité du capital ni pour l’un ni pour l’autre. Et il n’en saurait être autrement, puisque le prêteur ne pourrait tirer un intérêt de la valeur prêtée qu’autant que l’emprunteur ne tirerait lui-même aucun intérêt de la valeur rendue ; qu’ainsi, l’intérêt du capital est la négation de lui-même et qu’il n’existe pour Paul, Mathurin, Mondor et Jacques qu’à la condition d’être supprimé pour Pierre, Jérôme, Valère et Guillaume. Toutes choses étant, en réalité, instruments de production au même titre, les premiers ne peuvent prélever l’intérêt de la valeur prêtée qu’autant que les seconds prélèvent en retour l’intérêt de la valeur remise en échange, ce qui détruit l’intérêt du capital par lui-même et le réduit à un simple droit d’usage contre l’usage. Vouloir échanger l’usage contre la propriété, c’est dépouiller, spolier l’un au profit de l’autre, « c’est légaliser, organiser, systématiser l’injustice elle-même. » Posons donc en fait que l’intérêt est illégitime, inique et spoliateur.

2° Une seconde conséquence, non moins remarquable que la première, c’est que l’intérêt nuit à l’emprunteur, au