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l’ordre matériel, voilà la véritable instruction, voilà celle qui dominera dans les institutions libres. Les jeunes gens qui l’auront reçue se montreront supérieurs par la force de l’intelligence, la sûreté du jugement, l’aptitude à la pratique de la vie, aux affreux petits rhéteurs que l’université et le clergé auront saturés de doctrines aussi fausses que surannées. Pendant que les uns seront préparés aux fonctions sociales de notre époque, les autres seront réduits d’abord à oublier, s’ils peuvent, ce qu’ils auront appris, ensuite à apprendre ce qu’ils devraient savoir. En présence de ces résultats, la tendance des pères de famille sera de préférer les écoles libres, pleines de séve et de vie, à ces autres écoles succombant sous l’esclavage de la routine.

Qu’arrivera-t-il alors ? Le clergé, toujours ambitieux de conserver son influence, n’aura d’autre ressource que de substituer, lui aussi, l’enseignement des choses à l’enseignement des mots, l’étude des vérités positives à celle des doctrines de convention, et la substance à l’apparence.

Mais, pour enseigner, il faut savoir, et, pour savoir, il faut apprendre. Le clergé sera donc forcé de changer la direction de ses propres études, et la rénovation s’introduira jusque dans les séminaires. Or, pense-t-on qu’une autre nourriture ne fasse pas d’autres tempéraments ? Car, prenons-y garde, il ne s’agit pas ici seulement de changer la matière, mais la méthode de l’enseignement clérical. La connaissance des œuvres de Dieu et de la nature s’acquiert par d’autres procédés intellectuels que celle des théogonies. Observer les faits et leur enchaînement est une chose ; admettre sans examen un texte tabou et en tirer les conséquences en est une autre. Quand la science remplace l’intuition, l’examen se substitue à l’autorité, la méthode philosophique à la méthode dogmatique ; un autre but exige un autre procédé, et d’autres procédés donnent à l’esprit d’autres habitudes.