Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.
429
PROPRIÉTÉ ET SPOLIATION.

les peuples succombent sous le poids de dettes dont il faut bien rattacher l’origine à des folies passées ; n’oublions pas que nous-mêmes nous payons des millions annuellement pour prolonger la vie artificielle de colonies à esclaves, d’autres millions pour empêcher la traite sur les côtes d’Afrique (ce qui nous a impliqués dans une de nos plus grandes difficultés diplomatiques), et que nous sommes sur le point de livrer 100 millions aux planteurs pour couronner les sacrifices que ce genre de spoliation nous a infligés sous tant de formes.

Ainsi le passé nous tient, quoi que nous puissions dire. Nous ne nous en dégageons que progressivement. Est-il surprenant qu’il y ait de l’Inégalité parmi les hommes, puisque le principe Égalitaire, la Propriété, a été jusqu’ici si peu respecté ? D’où viendra le nivellement des conditions qui est le vœu ardent de notre époque et qui la caractérise d’une manière si honorable ? Il viendra de la simple Justice, de la réalisation de cette loi : Service pour service. Pour que deux services s’échangent selon leur valeur réelle, il faut deux choses aux parties contractantes : lumières dans le jugement, liberté dans la transaction. Si le jugement n’est pas éclairé, en retour de services réels, on acceptera, même librement, des services dérisoires. C’est encore pis si la force intervient dans le contrat.

Ceci posé, et reconnaissant qu’il y a entre les hommes une inégalité dont les causes sont historiques, et ne peuvent céder qu’à l’action du temps, voyons si du moins notre siècle, faisant prévaloir partout la justice, va enfin bannir la force et la ruse des transactions humaines, laisser s’établir naturellement l’équivalence des services, et faire triompher la cause démocratique et égalitaire de la Propriété.

Hélas ! je rencontre ici tant d’abus naissants, tant d’exceptions, tant de déviations directes ou indirectes, apparaissant