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les affamés d’emprunts un crédit gratuit et qu’il ne le puisse ; si, selon les paroles que nous avons vues avec regret échapper à la plume de M. de Lamartine, « l’État se donne la mission d’éclairer, de développer, d’agrandir, de fortifier, de spiritualiser, et de sanctifier l’âme des peuples », et qu’il échoue ; ne voit-on pas qu’au bout de chaque déception, hélas ! plus que probable, il y a une non moins inévitable révolution ?

Je reprends ma thèse et je dis : immédiatement après la science économique et à l’entrée de la science politique[1], se présente une question dominante. C’est celle-ci :

Qu’est-ce que la Loi ? que doit-elle être ? quel est son domaine ? quelles sont ses limites ? où s’arrêtent, par suite, les attributions du Législateur ?

Je n’hésite pas à répondre : La Loi, c’est la force commune organisée pour faire obstacle à l’Injustice, — et pour abréger, la Loi, c’est la Justice.

Il n’est pas vrai que le Législateur ait sur nos personnes et nos propriétés une puissance absolue, puisqu’elles préexistent et que son œuvre est de les entourer de garanties.

Il n’est pas vrai que la Loi ait pour mission de régir nos consciences, nos idées, nos volontés, notre instruction, nos sentiments, nos travaux, nos échanges, nos dons, nos jouissances.

Sa mission est d’empêcher qu’en aucune de ces matières le droit de l’un n’usurpe le droit de l’autre.

La Loi, parce qu’elle a pour sanction nécessaire la Force, ne peut avoir pour domaine légitime que le légitime domaine de la force, à savoir : la Justice.

  1. L’économie politique précède la politique ; celle-là dit si les intérêts humains sont naturellement harmoniques ou antagoniques ; ce que celle-ci devrait savoir avant de fixer les attributions du gouvernement.