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sublime mission est de réunir en société ces matériaux épars, qui sont des hommes.

Partant de cette donnée, comme chaque jardinier, selon son caprice, taille ses arbres en pyramides, en parasols, en cubes, en cônes, en vases, en espaliers, en quenouilles, en éventails, chaque socialiste, suivant sa chimère, taille la pauvre humanité en groupes, en séries, en centres, en sous-centres, en alvéoles, en ateliers sociaux, harmoniques, contrastés, etc., etc.

Et de même que le jardinier, pour opérer la taille des arbres, a besoin de haches, de scies, de serpettes et de ciseaux, le publiciste, pour arranger sa société, a besoin de forces qu’il ne peut trouver que dans les Lois ; loi de douane, loi d’impôt, loi d’assistance, loi d’instruction.

Il est si vrai que les socialistes considèrent l’humanité comme matière à combinaisons sociales, que si, par hasard, ils ne sont pas bien sûrs du succès de ces combinaisons, ils réclament du moins une parcelle d’humanité comme matière à expériences : on sait combien est populaire parmi eux l’idée d’expérimenter tous les systèmes, et on a vu un de leurs chefs venir sérieusement demander à l’assemblée constituante une commune avec tous ses habitants, pour faire son essai.

C’est ainsi que tout inventeur fait sa machine en petit avant de la faire en grand. C’est ainsi que le chimiste sacrifie quelques réactifs, que l’agriculteur sacrifie quelques semences et un coin de son champ pour faire l’épreuve d’une idée.

Mais quelle distance incommensurable entre le jardinier et ses arbres, entre l’inventeur et sa machine, entre le chimiste et ses réactifs, entre l’agriculteur et ses semences !… Le socialiste croit de bonne foi que la même distance le sépare de l’humanité.

Il ne faut pas s’étonner que les publicistes du dix-neu-