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malgré les résistances d’une oligarchie puissante et impitoyable ; que ne doit pas attendre l’univers de cette même Angleterre, alors que toute sa puissance morale, sociale et politique aura passé aux mains de la démocratie, par une révolution lente et pénible, paisiblement accomplie dans les esprits, sous la conduite d’une association qui renferme dans son sein tant d’hommes, dont l’intelligence supérieure et la moralité éprouvées jettent un si grand éclat sur leur pays et sur leur siècle ? Une telle révolution n’est pas un événement, un accident, une catastrophe due à un enthousiasme irrésistible, mais éphémère. C’est, si je puis le dire, un lent cataclysme social qui change toutes les conditions d’existence de la société, le milieu où elle vit et respire. C’est la justice s’emparant de la puissance et le bon sens entrant en possession de l’autorité. C’est le bien général, le bien du peuple, des masses, des petits et des grands, des forts et des faibles devenant la règle de la politique ; c’est le privilége, l’abus, la caste disparaissant de dessus la scène, non par une révolution de palais ou une émeute de la rue, mais par la progressive et générale appréciation des droits et des devoirs de l’homme. En un mot, c’est le triomphe de la liberté humaine, c’est la mort du monopole, ce Protée aux mille formes, tour à tour conquérant, possesseur d’esclaves, théocrate, féodal, industriel, commercial, financier et même philanthrope. Quelque déguisement qu’il emprunte, il ne saurait plus soutenir le regard de l’opinion publique ; car elle a appris à le reconnaître sous l’uniforme rouge, comme sous la robe noire, sous la veste du planteur, comme sous l’habit brodé du noble pair. Liberté à tous ! à chacun juste et naturelle rémunération de ses œuvres ! à chacun juste et naturelle accession à l’égalité, en proportion de ses efforts, de son intelligence, de sa prévoyance et de sa moralité. Libre échange avec l’univers ! Paix avec l’univers ! Plus d’asservissement colonial, plus d’armée, plus