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Si je vous ai longuement entretenus de cette question, c’est qu’elle sera un des principaux thèmes des débats du Parlement dans la prochaine session ; c’est aussi que les destinées futures de notre pays dépendent beaucoup de la manière dont elle sera comprise par vous. Nous devons reconnaître le droit de nos colonies à se gouverner elles-mêmes ; et, en même temps, comme elles sont en âge de réclamer les droits des adultes et de se tirer d’affaire elles-mêmes, nous pouvons exiger qu’elles ne recourent plus à leur vieux père, déjà suffisamment obéré, pour couvrir les dépenses de leur ménage ; cela ne saurait évidemment devenir le sujet d’une querelle entre nous et nos colonies. — Si quelques-uns, exploitant un vieux préjugé de notre nation, m’accusent de vouloir démembrer cet empire par l’abandon de nos colonies, je leur répondrai que je veux que les colonies appartiennent aux Anglais qui les habitent. Est-ce là les abandonner ? Pourquoi en avons-nous pris possession, si ce n’est pour que des Anglais pussent s’y établir ? Et maintenant qu’ils s’y trouvent établis, n’est-il pas essentiel à leur prospérité qu’ils y jouissent des priviléges du self-government ? On m’objecte aussi que l’application de ma doctrine aurait pour résultat d’affaiblir de plus en plus les liens qui unissent la métropole et les colonies. Les liens politiques, oui, sans doute ! Mais si nous accordons de plein gré, cordialement, à nos colonies le droit de se gouverner elles-mêmes, croyez-vous qu’elles ne se rattacheront pas à nous par des liens moraux et commerciaux beaucoup plus solides qu’aucun lien politique ? Je veux donc que la mère patrie renonce à toute suprématie politique sur ses colonies, et qu’elle s’en tienne uniquement aux liens naturels qu’une origine commune, des lois communes, une religion et une littérature communes ont donnés à tous les membres de la race anglo-saxonne disséminés sur la surface du globe. (Applaudissements.)

N’oublions pas, non plus, que nous sommes des free-traders. Nous avons adopté le principe de la liberté du commerce ; et en agissant ainsi, nous avons déclaré que nous aurions le monde entier pour consommateur. Or, s’il y a quelque vérité dans les principes de la liberté du commerce, que nous avons adoptés