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très-logiquement dans cette idée : Pour progresser, un peuple doit vendre plus qu’il n’achète. — Et si cette idée est fausse, même au point de vue économique, à quelle immense déception ne conduit-elle pas un peuple, puisqu’elle exige de lui tant d’efforts, tant de sacrifices et tant d’iniquités pour ne lui offrir en toute compensation qu’une chimère, une ombre ?

Admettons la vérité de cette autre doctrine : les exportations d’un peuple ne sont que le paiement de ses importations.

Puisque le principe est diamétralement opposé, toutes les conséquences économiques, politiques, diplomatiques, doivent être aussi diamétralement opposées.

Si, dans ses relations commerciales, un peuple n’a à se préoccuper que d’acheter au meilleur marché, laissant, comme disent les free-traders, les exportations prendre soin d’elles-mêmes, — comme acheter à bon marché est la tendance universelle des hommes, ils n’ont besoin à cet égard que de liberté. Il n’y a donc pas ici de violence à exercer au dedans. — Il n’y a pas non plus de violences à exercer au dehors ; car il n’est pas besoin de contrainte pour déterminer les autres peuples à vendre.

Dès lors, les colonies, les possessions lointaines sont considérées non-seulement comme des inutilités, mais comme des fardeaux ; dès lors leur acquisition et leur conservation ne peuvent plus servir de prétexte à un grand développement de forces navales ; dès lors on n’excite plus la jalousie et la haine des autres peuples; dès lors la sécurité ne s’achète pas au prix d’immenses sacrifices ; dès lors enfin, le travail national n’est pas détourné de sa vraie destination, qui est de satisfaire les besoins des travailleurs. — Et quant aux étrangers, le seul vœu qu’on forme à leur égard, c’est de les voir prospérer, progresser par une production de plus en plus abondante, de moins en moins dispendieuse,