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C’est d’ailleurs celui dont le poids est le plus lourd au peuple, celui dont l’iniquité est la plus facile à démontrer. L’impôt sur le pain ! sur la nourriture ! sur la vie ! Voilà, certes, un mot de ralliement merveilleusement propre à réveiller la sympathie des masses.

C’est certainement un grand et beau spectacle que de voir un petit nombre d’hommes essayant, à force de travaux, de persévérance et d’énergie, de détruire le régime le plus oppressif et le plus fortement organisé, après l’esclavage, qui ait pesé jamais sur un grand peuple et sur l’humanité, et cela sans en appeler à la force brutale, sans même essayer de déchaîner l’animadversion publique, mais en éclairant d’une vive lumière tous les replis de ce système, en réfutant tous les sophismes sur lesquels il s’appuie, en inculquant aux masses les connaissances et les vertus qui seules peuvent les affranchir du joug qui les écrase.

Mais ce spectacle devient bien plus imposant encore, quand on voit l’immensité du champ de bataille s’agrandir chaque jour par le nombre des questions et des intérêts qui viennent, les uns après les autres, s’engager dans la lutte.

D’abord l’aristocratie dédaigne de descendre dans la lice. Quand elle se voit maîtresse de la puissance politique par la possession du sol, de la puissance matérielle par l’armée et la marine, de la puissance morale par l’Église, de la puissance législative par le Parlement, et enfin de celle qui vaut toutes les autres, de la puissance de l’opinion publique par cette fausse grandeur nationale qui flatte le peuple et qui semble liée aux institutions qu’on ose attaquer ; quand elle contemple la hauteur, l’épaisseur et la cohésion des fortifications dans lesquelles elle s’est retranchée ; quand elle compare ses forces avec celles que quelques hommes isolés dirigent contre elle, — elle croit pouvoir se renfermer dans le silence et le dédain.

Cependant la Ligue fait des progrès. Si l’aristocratie a