Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grand développement de l’esprit, charitable parmi les monopoleurs et de leur manie de tout arranger par l’aumône. En admettant que cette charité soit bien sincère et qu’elle dépasse celle des autres classes, j’ai de graves objections à opposer à un système qui fait dépendre une portion de la communauté des aumônes de l’autre portion. (Écoutez ! écoutez !) Mais je nie cette philanthropie elle-même, et, relevant l’accusation qu’ils dirigent contre nous, — froids économistes, — je dis que c’est parmi les free-traders que se trouve la vraie philanthropie. Ils ont tenu un grand meeting, il y a deux mois, dans le Suffolk. Beaucoup de seigneurs, de nobles, de squires, de prêtres se sont réunis, et pourquoi ? Pour remédier, par un projet philanthropique, à la détresse générale. Ils ont ouvert une souscription. Ils se sont inscrits séance tenante ; et qu’est-il arrivé depuis ? Où sont les effets de cette œuvre qui devait fermer toutes les plaies ? J’oserais affirmer qu’il est tel ligueur de Manchester qui a plus donné pour établir dans cette ville des lieux de récréation pour les ouvriers, qu’il n’a été recueilli parmi toute la noblesse de Suffolk pour le soulagement des ouvriers des campagnes. Ne vous méprenez pas, messieurs, nous ne venons pas ici faire parade de générosité, mais décrier ces accusations sans cesse dirigées contre le corps le plus intelligent de la classe moyenne de ce pays, et cela parce qu’il veut se faire une idée scientifique et éclairée de la vraie mission d’un bon gouvernement. Ils nous appellent « économistes politiques ; durs et secs utilitaires ». Je réponds que les « économistes » ont la vraie charité et sont les plus sincères amis du peuple. Ces messieurs veulent absolument que le peuple vive d’aumônes ; je les somme de nous donner au moins une garantie qu’en ce cas le peuple ne sera pas affamé. Oh ! il est fort commode à eux de flétrir, par une dénomination odieuse, une politique qui scrute leurs procédés. (Rires.) Nous nous reconnaissons « économistes », et nous le sommes, parce que nous ne voulons pas voir le peuple se fier, pour sa subsistance, aux aumônes de l’aristocratie, sachant fort bien que, s’il le fait, sa condition sera vraiment désespérée. (Applaudissements.) Nous voulons que le gouvernement agisse sur des principes qui permettent à chacun de pourvoir à son existence par un travail honnête et