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de haine nationale. On dit que, dans la salle d’Exeter-Hall, des missionnaires fanatiques faisaient entendre des paroles irritantes peu en harmonie avec le caractère dont ils sont revêtus. Sir Robert Peel enfin, peut-être dominé par le déchaînement des passions ardentes du dehors, venait de prononcer devant le Parlement les paroles impolitiques et imprudentes qui rendaient si difficile l’arrangement des affaires de Taïti.

Jusqu’à ce moment, pas une allusion n’avait été faite au sein des meetings de la Ligue sur les rapports de la France avec l’Angleterre. Cette circonstance nous semble mériter toute l’attention du lecteur impartial ; car enfin, les occasions n’avaient pas manqué ; l’affaire d’Alger, celle du Maroc, celle du droit de visite, l’hostilité de nos tarifs, manifestée par des droits différentiels mis à la charge des produits anglais, et bien d’autres circonstances offraient aux orateurs de la Ligue un texte facile à exploiter, dans l’intérêt de leur popularité, un instrument fécond pour arracher des applaudissements à la multitude. Comment se fait-il que ces hommes, parlant tous les jours en présence de cinq à six mille personnes réunies, et dans les circonstances où il leur était si facile de ménager à leur amour-propre d’orateur toutes les ovations de l’enthousiasme politique, se soient constamment abstenus de céder à cette si séduisante tentation ? Comment des manufacturiers, des négociants, des fermiers se sont-ils montrés à cet égard si supérieurs à des missionnaires, à des journalistes, et même aux hommes d’État les plus haut placés ?

Il n’y a qu’une circonstance qui puisse expliquer raisonnablement ce phénomène, et cette circonstance est si importante, qu’il doit m’être permis de la révéler au public français. — C’est que la Ligue s’adresse à la classe industrieuse et laborieuse, et que cette classe, en Angleterre, n’est point animée des sentiments haineux contre la France