Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/371

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étranger restera le même. — Et puisqu’on nous a annoncé qu’à une époque très-prochaine, probablement dans un an, il y aurait un changement profond dans les droits sur le sucre, profitons du temps pour bien apprendre d’ici là notre leçon et savoir ce que c’est que les droits différentiels ; et si nous parvenons à en bien faire comprendre au public la vraie nature, soyez certains qu’en février prochain, il n’est pas de ministère qui ose les proposer. (Applaudissements.) Je vous répète encore que, si le gouvernement venait à effacer radicalement le droit sur le sucre colonial, laissant subsister le droit actuel sur le sucre étranger, vous n’en payeriez pas votre sucre un farthing de moins. Vous ne pouvez obtenir cet article à meilleur marché qu’en augmentant la quantité importée. Il n’y a pas d’autre moyen d’abaisser le prix des choses que d’en accroître l’offre, la demande restant la même. Ainsi, le seul résultat de l’abolition totale du droit sur le sucre colonial serait de transférer quatre ou cinq millions par an du trésor public aux monopoleurs, somme que vous auriez à restituer à l’Échiquier par un autre income-tax. Que ces questions soient enfin bien comprises, que le public y voie ce qu’elles renferment ; et nous en aurons bientôt fini avec toutes ces impositions infligées au peuple dans des intérêts privés, sous forme de droits différentiels. Quand les colons viennent au Parlement et proposent « la protection » comme le remède à tous leurs maux, enquérons-nous du moins si ce système de protection profite même à ceux qui le réclament. Eh quoi ! j’ai vu les honorables gentlemen, propriétaires aux Indes occidentales, se lever à la Chambre des communes, pleurer sur leur détresse et celle de leurs familles. « Nous sommes ruinés, disaient-ils ; notre propriété est sans valeur ; au lieu de tirer du revenu de nos domaines, nous sommes forcés d’envoyer d’ici de l’argent pour leur entretien. » Et dans quelles circonstances les frappe cette détresse ? Dans un moment où ils jouissent d’une protection illimitée ; où ils sont affranchis de toute concurrence étrangère : car vous ne pouvez acheter du sucre à nul autre qu’à eux qu’en vous soumettant au droit de 64 sh. qui équivaut à une prohibition. Si ce système de monopole ne les a pas mis en état de soutenir avantageusement