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de ces choux un peu plus de revenu, et que voulant néanmoins continuer à favoriser les jardiniers de Hammersmith, il propose de prélever sur leurs choux une taxe de 10 sh., mais en même temps de porter à 20 sh., le droit sur les choux de Battersea et d’ailleurs. Voyons l’effet de cette mesure. Comme dans le cas précédent, les hommes de Hammersmith tiendront la main haute, jusqu’à ce que le prix des choux soit fixé par les jardiniers de Battersea qui ont à payer un droit de 20 sh., tandis que leurs concurrents ne paient que 10 sh. De quelle manière ces combinaisons affecteront-elles le public ? — Il paiera 20 sh. au delà de la valeur naturelle sur tous les choux qu’il achètera. Le duc de Bedfort recouvrera la totalité du droit de 20 sh. sur les choux de Battersea, il recouvrera aussi 10 sh. sur ceux de Hammersmith, et les jardiniers de Hammersmith empocheront les 10 autres shillings. Mais quant au public il paiera dans tous les cas une taxe de 20 sh.

Quelque temps après, les jardiniers de Hammersmith désirent avoir un peu plus de monopole. En ayant goûté les douceurs, ils veulent y revenir, cela est bien naturel (rires) ; et, en conséquence, ils s’assemblent et mettent toutes leurs ruses en commun. Ils ne jugent pas à propos de réclamer du duc de Bedfort un enouvelle aggravation de droits sur les choux de Battersea, parce que la mesure serait extrêmement impopulaire. Ils imaginent d’élever ce cri : Les choux à bon marché ! et disent au noble propriétaire de Covent-Garden : « Réduisez le droit sur les choux de Hammersmith de 10 à 6 sh., laissant la taxe sur ceux de Battersea telle qu’elle est maintenant à 20 sh. »

Revêtus du manteau du patriotisme, ils s’adressent à lord John Russell et le prient d’intervenir auprès de son frère, le duc de Bedfort, afin qu’il adopte cette admirable combinaison. Le noble duc, que je suppose un homme avisé, réplique : Votre devise : les choux à bon marché ! n’est qu’un prétexte pour cacher votre égoïsme. — Si je réduis votre taxe de 4 sh., laissant celle de Battersea à 20 sh. comme à présent, vous continuerez à vendre vos choux au même prix que vos concurrents, et le seul résultat, c’est que je perdrai 4 sh. que vous empocherez, et le public paiera précisément le même prix qu’aupa-