priétaires dans les Indes occidentales. Et s’adressant à la Chambre
des communes, il a dit : « Les abolitionnistes sont contre vous.
Ils nous adjurent au nom de l’humanité d’exclure les produits
du Brésil. Si nous le faisons, ce n’est pas parce que nous possédons
de grandes plantations dans l’Inde et à Demerara ; parce
que les Chandos et les Buckingham ont de vastes propriétés à la
Jamaïque. Non, nous ne cédons pas à de telles considérations.
Ce n’est pas non plus parce que nous sommes obligés de ménager
les colons, d’autant plus que si nous les blessions, ils
renverseraient dès demain la loi-céréale. Nous ne sommes déterminés
par aucune de ces raisons ; nous sommes parfaitement
désintéressés, et nous ferions bon accueil au sucre du
Brésil, s’il n’était teint du sang des esclaves. Il est vrai que nous
fûmes toujours les adversaires de l’émancipation, et que lorsqu’il
ne nous a plus été possible de reculer, nous avons imposé
à la nation une charge de vingt millions sterling que nous
avons distribués non aux esclaves, mais à leurs oppresseurs.
(Bruyantes acclamations.) Le sens du juste est si délicat chez nous
que nous avons indemnisé le tyran et non la victime. (Nouvelles
acclamations.) Nous avons payé les planteurs pour qu’ils s’abstinssent
du crime ; nous avons sauvé leur réputation et peut-être leur
âme. Nous avons fait tout cela, c’est vrai, mais nous sommes bien
changés aujourd’hui. N’ai-je pas assisté aux meetings d’Exeler-Hall ?
N’y ai-je point péroré ? N’y ai-je point entendu l’orgue saluer
la présence et la parole de Daniel O’Connell ? Nous sommes
bien changés. Nous sommes maintenant les disciples, les représentants
des Grenville, des Sharpe, des Wilberforce, qui se
reposent de leurs travaux. Nous nous couvrons de leur manteau,
et nous vous adjurons, au nom de deux millions et demi d’esclaves,
de ne pas manger de sucre du Brésil. » (Applaudissements
prolongés.) Après ce discours, il regardera sans doute les
monopoleurs par-dessus les épaules, et dira : « Vous ne vous
souciez guère du café, n’est-ce pas ? — Non, disent-ils. — Très-bien,
reprend sir Robert, nous réduirons le droit du café de 25
p. 0/0, et nous prohiberons le sucre. — Et c’est ainsi que toute
cette belle philanthropie passe de la cafetière dans le sucrier.
(Rires.)
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