Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/315

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naissance vous expliquera le reste : « Informez le gouvernement brésilien que nous avons des engagements relativement au sucre, et qu’en présentant le budget, nous nous verrons forcés de dire au peuple d’Angleterre, très-crédule de sa nature et disposé à accueillir tout ce qu’il nous plaira, de lui dire de dessus nos sièges de la Chambre des communes, qu’il serait criminel d’encourager l’esclavage et la traite par l’admission du sucre du Brésil. — Mais afin de prouver au gouvernement brésilien que nous n’avons aucune intention de lui nuire, nous aurons soin de faire précéder nos réserves, à l’égard du sucre, de la déclaration que nous admettons le café brésilien sous la réduction de 2 d. par livre du droit actuel. — Et comme quatre esclaves sur cinq sont employés au Brésil sur les plantations de café, et que cet article forme les trois cinquièmes de toutes les exportations de ce pays (toutes choses que le peuple d’Angleterre ignore profondément), le gouvernement auprès duquel vous êtes accrédité demeurera convaincu que nous ne voulons aucun mal à ses plantations, que l’esclavage et la traite ne nous préoccupent guère, mais que nous sommes contraints d’exclure leur sucre par les exigences de notre parti et de notre position particulière. Mais faites-lui bien comprendre en même temps avec quelle adresse nous avons désarçonné les whigs par cette manœuvre. » (Rires et applaudissements.) Telle est la teneur de la dépêche du cabinet actuel à son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire au Brésil, dépêche qui sera publiée dans cent ans d’ici. Il n’est pas douteux que beaucoup de gens se sont laissé prendre à cet étalage d’intérêt affecté au sujet de l’esclavage ; bons et honnêtes philanthropes, si tant est que ce ne soit pas trop s’avancer que de décerner ce titre à des hommes qui se complaisent dans la pure satisfaction d’une conscience aveugle, car la bienveillance du vrai philanthrope doit bien être guidée par quelque chose qui ressemble à la raison. Il y a une classe d’individus qui se sont acquis de nos jours une certaine renommée, qui veulent absolument nous assujettir, non aux inspirations d’une charité éclairée, mais au contrôle d’un pur fanatisme. Ces hommes, sous le prétexte d’être les avocats de l’abolition, pétitionnent le gouvernement pour qu’il interdise au