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anglaise ravit au peuple, par l’opération de cette seule loi (corn and provisions law), une part du produit de son travail, ou, ce qui revient au même, des satisfactions légitimement acquises qu’il pourrait s’accorder, part qui s’élève à 1 milliard par an, et peut-être 2 milliards, si l’on tient compte des effets indirects de cette loi. C’est là, à proprement parler, le lot que les aristocrates-législateurs, les aînés de famille, se sont fait à eux-mêmes.

Restait à pourvoir les cadets ; car, ainsi que nous l’avons vu, les races aristocratiques ne sont pas plus que les autres privées de la faculté de multiplier, et, sous peine d’effroyables dissensions intestines, il faut bien qu’elles assurent aux branches cadettes un sort convenable, — c’est-à-dire, en dehors du travail, en d’autres termes, par la spoliation, — puisqu’il n’y a et ne peut y avoir que deux manières d’acquérir : Produire ou ravir.

Deux sources fécondes de revenus ont été ouvertes aux cadets : le trésor public et le système colonial. À vrai dire, ces deux conceptions n’en font qu’une. On lève des armées, une marine, en un mot des taxes pour conquérir des colonies, et l’on conserve les colonies pour rendre permanentes la marine, les armées ou les taxes.

Tant qu’on a pu croire que les échanges qui s’opèrent, en vertu d’un contrat de monopole réciproque, entre la métropole et ses colonies, étaient d’une nature différente et plus avantageuse que ceux qui s’accomplissent entre pays libres, le système colonial a pu être soutenu par le préjugé national. Mais lorsque la science et l’expérience (et la science n’est que l’expérience méthodique) ont révélé et mis hors de doute cette simple vérité : les produits s’échangent contre des produits, il est devenu évident que le sucre, le café, le coton, qu’on tire de l’étranger, n’offrent pas moins de débouchés à l’industrie des regnicoles que ces mêmes objets venus des colonies. Dès lors ce régime, accompagné