Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands et des riches ; elles laissent librement entrer ces choses moyennant un droit fiscal, et elles prohibent l’importation des aliments, c’est-à-dire de ce qui affecte le plus les classes pauvres et laborieuses. De telles lois sont le fruit de l’injustice, et nous nous élevons contre leur partialité. Les seigneurs disent que c’est là une question manufacturière. S’ils l’ont ainsi stigmatisée, c’est qu’ils ont surtout trouvé les manufacturiers prompts et persévérants à combattre leurs priviléges. Mais nous repoussons leur imputation. Non, ce n’est pas la cause des manufacturiers ; c’est votre cause; c’est la mienne, c’est la cause de tous. Ce n’est pas une question individuelle, c’est une question générale, qui intéresse toute la communauté ! Le manufacturier voit son industrie lésée, ses ouvriers affamés, et dès lors il lui appartient, il appartient à tout homme dans cette situation, de se plaindre. — Cette vaine clameur des landlords est suivie d’une autre. C’est la sur-production[1], disent-ils, qui fait tout le mal. On les entend crier : « Ces manufacturiers prétendent vêtir l’univers entier. » Peut-être feraient-ils mieux de nous laisser d’abord vêtir l’univers, et si, par là, nous portions le trouble et la misère dans le pays, ils seraient à temps de gémir. (Rires et approbations.) Cependant examinons la question de plus près. Supposez que nous parvinssions à habiller l’univers entiers, nous n’avons pas encore trouvé le secret de faire des calicots éternels (rires), ils s’usent, et dès lors ceux que nous avons accoutumés à en porter en réclameront d’autres. Voilà donc une source permanente de travail. (Écoutez !) ne serait-ce point une chose plaisante de voir venir à cette tribune un manufacturier du Lancastre, pleurant comme Alexandre, de ce qu’il ne lui reste point un autre monde, non à conquérir, mais à habiller ? (Éclats de rire.) En tout cas, au milieu de son chagrin, il aurait au moins cette consolation, fondement d’une espérance légitime, que s’il parvient à vêtir l’univers, c’est bien le moins qu’il ait le droit d’être nourri. (Acclamations.) Je n’ai

  1. Sur-production, autre néologisme pour traduire le mot over-production, excès de production. Ici au moins je puis m’étayer de l’autorité de M. de Sismondi.