Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/289

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Vous n’aurez pas de. peine à comprendre cet axiome général : Les importateurs sont des acheteurs. Donc, le critérium de la prospérité d’un pays ce n’est pas ses exportations, mais ses importations. Je le répète, les importateurs sont des acheteurs. Permettez-moi d’éclairer ceci par un exemple. Le navire qui aborde nos rivages chargé de marchandises, n’importe la provenance, est la personnification d’un marchand étranger à la bourse bien garnie ; car le chargement est bientôt converti en argent, et cet argent est à la disposition du consignataire pour être de nouveau converti en marchandises d’exportation. Plus donc il nous arrive de ces navires, plus il nous arrive d’acheteurs. — Au sujet de nos impôts, je vous ferai observer que les marchandises qui nous viennent du dehors ne passent pas directement du rivage au magasin du négociant. Elles s’arrêtent d’abord à la douane, et là, elles payent un droit fiscal. Comme free-traders nous n’avons pas d’objection contre un tel droit. Il est juste et convenable d’asseoir une partie des recettes publiques sur les marchandises étrangères. Mais ici nous distinguons et nous disons : S’il est juste que nous payions un droit pour le revenu public, il ne l’est pas que nous en payions un autre pour des avantages personnels, et notamment pour grossir les rentes des propriétaires du sol. Messieurs, nos importations devraient être libres. Dans un pays éclairé, elles seraient libres comme les vents qui les poussent vers nos rivages. (Applaudissements.) Supposez-vous transportés par la pensée dans un autre pays, — car je ne veux pas vous offenser inutilement en citant votre propre patrie, — supposez que vous voyez sur les côtes des hommes en uniforme, allant et venant, un mousquet d’une main et une lunette de l’autre. Si l’on vous disait qu’il s’agit d’un service préventif, d’un service destiné par le gouvernement à empêcher l’arrivage des navires, et, par suite, l’introduction des produits étrangers, ne déclareriez-vous pas que c’est là pour ce pays, l’indice d’une ignorance qui va jusqu’au suicide ? et ne jugeriez-vous pas que ses lois commerciales remontent aux siècles les plus barbares ? C’est pourtant l’esprit, je regrette de le dire, qui caractérise notre législation. Nos lois admettent les objets de luxe, les vins, les soieries, les rubans à l’usage des