Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/284

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acheter pour ma famille le pain que la bonté de Dieu lui a destiné. (Applaudissements.) L’opulent seigneur demande protection ! Mais il la possède. Il la possède dans la supériorité de ses domaines, dans leur proximité des centres de population ; il la possède dans l’éloignement des plaines rivales, dans les tempêtes et les naufrages auxquels sont exposés sur l’Océan les vaisseaux qui apportent dans ce pays les productions étrangères ; dans les frais de toutes sortes, assurances, magasinages, commissions dont ces produits sont grevés. Voilà ce qui constitue en sa faveur une protection naturelle aussi durable que l’Océan et dont personne ne peut le priver. Mais il veut plus ; il veut que la loi élève encore artificiellement le prix de son blé, et que le pauvre lui-même soit forcé de le lui acheter, ne lui rendant le droit de se pourvoir dans le marché du monde que lorsque la possibilité lui échappe de bénéficier par la confiscation de ce droit.

… Gentlemen, la législation de ce pays a beaucoup pris sur elle. On parle de désaffection, d’insubordination, de conspiration ! Je demande où sont les causes de ces maux. Je cherche le coupable ; je m’adresse à celui qui tient en ses mains le châtiment, et je lui dis : c’est toi ! (Écoutez !) Une loi injuste, c’est un germe révolutionnaire. Suivez-la dans son action jusqu’à ce qu’elle commence à flétrir, appauvrir, fouler et provoquer l’humanité. Puis vient le temps de l’appel des patriotes ; puis celui de l’écho populaire ; puis l’attitude de la détermination et du défi, et puis enfin les persécutions, la prison, l’échafaud, les martyres. (Acclamations.) Mais je remonte aux criminels originaires, aux hommes qui ont conçu la funeste loi, et je leur dis : Vous avez fomenté la désaffection, vous avez popularisé la résistance patriotique ; vous avez provoqué les plaintes du peuple ; vous avez organisé la persécution; c’est vous qui commettez le crime, c’est vous qui devez subir le châtiment. Gentlemen, telle est mon opinion ; si les gouvernements étaient justes, l’esprit de sédition mourrait faute d’aliment (écoutez), et si les lois étaient équitables, les chaînes seraient livrées à la rouille. C’est pourquoi je m’en prends aux mauvaises lois, et j’en vois beaucoup dans cette île et plus encore dans une île