Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus nous aurons de chances de voir la vérité se répandre, et les fermiers surmonter l’illusion dont on les aveugle, — Pourquoi les seigneurs n’accordent-ils pas de baux aux fermiers ? Ceux-ci ne seraient-ils pas mis à même par là de nourrir leurs ouvriers et de prendre part dans leur voisinage aux associations de bienfaisance ? Mais non ; le seigneur veut tout avoir. Son nom est Behemoth, et il est insatiable. (Rires et applaudissements.) Vous êtes engagés dans une lutte glorieuse, et je suis fier qu’il me soit donné d’y prendre part avec vous. C’est avec une joie profonde que j’y apporte la coopération de mes talents, quelque faibles qu’ils soient, et le secours d’une voix fatiguée par de longues épreuves. Tels qu’ils sont, je les consacre de grand cœur à votre cause sacrée. (Applaudissements.) Je me hasarderai à dire de moi-même qu’on m’a trouvé du côté de la liberté dans toutes les questions qui ont été agitées, depuis que je fais partie du Parlement. Je ne demande pas à quelle race, à quelle caste, à quelle couleur appartient une créature humaine, je réclame pour elle les priviléges et les droits de l’homme, et la protection, non du volet du pillage, mais la protection contre l’iniquité quelle qu’elle soit. (Bruyantes acclamations.) Je ne puis donc que m’unir à vous ; et, quel que soit le sort qui m’attend, — que ce soit la prison ou même l’échafaud (grands cris : Non, non, jamais ! jamais !) — je suis convaincu que si cela dépendait de vos votes, il n’en serait pas ainsi. (Une voix : Nous ne sommes pas contre vous.) Je crois à votre sincérité (rires), — je me félicite d’être engagé avec vous dans cette lutte. J’en comprends toute la portée. Je sais combien la liberté des échanges favoriserait votre commerce en vous ouvrant des débouchés ; je sais combien elle contribuerait à renverser l’ascendant politique d’une classe, ascendant qui me semble avoir sa racine dans la loi-céréale. C’est là un stimulant à tous les genres d’iniquité. L’aristocratie comprend l’injustice de sa position, et elle appelle à sa défense toute la force, toutes les formalités de la législation. Mais elle ne réussira pas, — les yeux du peuple sont ouverts ; l’esprit public est éveillé. Jamais l’Angleterre n’a voulu et voulu en vain. — Jadis elle poussa sa volonté jusqu’à l’extravagance, et fit tomber sur l’échafaud la tête d’un monarque insensé. Ce