Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/259

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venez d’entendre (étaient condamnés à subir cet arrêt qui, grâces au ciel, se présente plus rarement qu’autrefois sur les lèvres du juge : « Qu’on les ramène d’où ils sont venus, » ils pourraient, je crois, annoncer à la Chambre des communes que la Ligue vit encore ; car, pas plus tard qu’hier, on y affirmait que, depuis la déclaration de sir Robert Peel, au premier jour de la session, notre agitation était tombée dans l’insignifiance[1]. (Rires.) Oui, elle est tombée de chute en chute, d’un revenu de 50,000 liv. sterl. à un revenu de 100.000 liv. ; — de petits meetings provinciaux à de splendides réunions comme celle qui m’entoure, et de l’humiliation de pétitionner la Chambre à l’honneur de guider dans la lutte les maîtres de cette assemblée. (Acclamations.) Quelle idée confuse, imparfaite, étrange, ne faut-il pas se faire de la Ligue, pour imaginer qu’elle va s’anéantir au souffle des membres du Parlement ou des ministres de la couronne ! Eh quoi ! les législateurs du monopole ne verraient-ils dans la Ligue qu’une mesquine coterie, qu’une pitoyable manœuvre de parti, choses qui leur sont beaucoup plus familières que les grands principes de la vérité et de la justice, que les puissants mouvements de l’opinion nationale ? Et celui, entre tous, devant la volonté de qui la Ligue est le moins disposée à se courber, c’est ce ministre dont la bouche a si souvent soufflé le chaud et le froid, et qui dénonçait jadis, comme destructives de la constitution politique et de l’établissement religieux du royaume, ces mêmes mesures dont il se soumet maintenant à se faire l’introducteur. L’existence de la Ligue, le triomphe prochain qui l’attend, ne dépendent ni de Sir Robert Peel, ni d’aucun autre chef de parti. Nous abjurons toute alliance avec les partis. L’anti-Ligue s’enorgueillissait récemment d’avoir rallié à elle un grand nombre de whigs. Tant pis pour les whigs, mais non pas pour la Ligue. (Écoutez !) Notre force est dans notre principe ; dans la certitude que la liberté du commerce est fatalement arrêtée dans les conseils de Dieu comme un des grands pas de l’homme dans la carrière de la civilisation.

  1. Sir Robert Peel avait annoncé que son intention n’était pas de réviser la loi céréale.