Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/257

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pas espérer d’arriver à un gouvernement juste et sage, autrement que par la vigoureuse expression d’une opinion publique éclairée. C’est à ce résultat, c’est à réprimer le sordide abus de la puissance législative que la Ligue a consacré ses efforts incessants et dévoués. Le soin que mettent ses adversaires à calomnier ses desseins, montre assez combien ils redoutent ses progrès, et combien sa marche ferme et loyale trompe leur attente. L’objet que la Ligue a en vue a toujours été clair et bien défini ; je ne sache pas qu’il ait changé. Elle aspire à populariser, à rendre manifestes, aux yeux de tous, ces doctrines industrielles et commerciales, qui ont été proclamées par les plus hautes intelligences. (Écoutez ! écoutez !) Doctrines dont la vérité est accessible aux intelligences les plus ordinaires, dont l’application, commandée d’ailleurs par les circonstances de ce pays, a été conseillée par tout ce qu’il renferme d’hommes pratiques, prudents et expérimentés. Ce but, de quelque manière qu’il plaise aux monopoleurs et aux ministres qui leur obéissent de le présenter, mérite bien l’appui et la sympathie de quiconque porte un cœur ami du bien et de la justice. Depuis notre dernière réunion, je comprends que ce mot que l’autorité a mis à la mode, et sur lequel elle compte pour étouffer les plaintes de nos frères d’Irlande (immenses acclamations), je veux dire le mot conspiration, a été appliqué à ces meetings. (Rires ironiques.) Jusqu’à quel point ce mot s’applique-t-il avec quelque justesse à nos réunions ? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que considérant le but pour lequel on allègue que nous sommes associés, il n’y a pas lieu de s’étonner si nos travaux ont répandu la colère et l’alarme dans le camp ennemi, et si nous sommes désignés comme des conspirateurs, sur l’autorité de celui à qui l’on attribue d’avoir proclamé que les doctrines que nous cherchons à faire prévaloir sont les doctrines du sens commun[1]. (Rires.) Car, certes, on ne saurait rien concevoir de plus funeste que le sens commun, à ceux qui ont fondé leur puissance sur les préjugés, l’ignorance et les divisions du

  1. « Prétendre enrichir un peuple par la disette artificielle, c’est une politique en contradiction avec le sens commun. » (Sir James Graham, ministre de l’intérieur.)