Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà bien tard quand il peut goûter quelque repos et manger le pain de l’anxiété ; quand nous nous rappelons par quels fatigants efforts il obtient dans ce monde sa chétive pitance, et combien il y a de malheureuses créatures autour de nous dont toute l’histoire est résumée dans ces tristes vers si populaires :


Travaillons, travaillons, travaillons
Jusqu’à ce que nos yeux soient rouges et obscurcis ;
Travaillons, travaillons, travaillons
Jusqu’à ce que le vertige nous monte au cerveau.


« Quand nous sommes témoins d’une telle destinée, nous disons que le droit fixe ne doit pas prendre même un farthing sur la part exiguë du pauvre pour augmenter les trésors d’un duc de Buckingham ou de Richmond. (Applaudissements prolongés.) Bien plus, il est des cas où le droit fixe aurait plus d’inconvénients que l’échelle mobile elle-même. On a déjà fait cette objection contre le droit fixe, et je crois qu’elle a déjà frappé ses partisans. « Que ferez-vous de votre droit de 10, de 8, de 5 sh. lorsque le blé s’élèvera, comme cela peut et doit quelquefois arriver, à un prix de famine, a famine price ? (Écoutez ! écoutez !) Et l’on a répondu : « Alors, on le suspendra. » — Mais quel est le pouvoir qui décidera cette suspension, et sur quelle épreuve ? Réalisez dans votre imagination la situation d’un premier ministre obligé d’observer le pays pour décider si le temps approche, si le temps est arrivé où le droit fixe sur le blé sera remis, parce que les aliments ont atteint le prix de famine ! Il faudra qu’il compte dans les journaux combien d’êtres humains ont été relevés dans nos rues, tombés par défaut de nourriture. Combien faudra-t-il de cas de morts par inanition ? quelle somme de maladies, de typhus, de mortalité sera-t-il nécessaire de constater pour justifier la remise du droit ? Voilà donc les occupations d’un premier ministre ! Il faudra donc qu’il veille auprès du pays, qu’il compte ses pulsations, comme fait le médecin d’un régiment quand on flagelle un soldat. — la main sur son poignet, l’œil sur la blessure saignante, l’oreille attentive au bruit du fouet tombant sur les épaules nues, prêt à s’écrier : Arrêtez ; il se meurt ! (Acclamations.) Est-ce là le rôle du pre-