Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les plus pratiques, pendant qu’ils sont aux affaires, amenés par la force de la logique et les lumières de leur siècle, à admettre la justesse de notre principe, quoiqu’ils condescendent bassement à gouverner par le principe opposé. Il y a plus encore ; vos candidats, aussi bien M. Baring que M. Pattison, se placent en théorie sur le même terrain. Il n’y a entre eux que cette différence : l’un promet d’être conséquent avec lui-même, et l’autre s’y refuse. (Bruyants applaudissements.) Eh bien ! nous venons demander si vous voulez choisir pour votre représentant un homme qui, reconnaissant la justice de la liberté en matière d’échanges, nous la refuse néanmoins. Le préférez-vous à un homme qui s’engage à mettre d’accord sa conduite et ses opinions ? — M. Baring admet que nos principes sont vrais, in abstracto ; cela veut dire que sa pratique sera fausse in abstracto. (Applaudissements.) Quoi ! avez-vous jamais ouï parler d’un père qui enseigne à ses enfants l’obéissance aux commandements de Dieu, in abstracto ? Avez-vous jamais entendu un accusé, après le verdict de condamnation, s’écrier : « J’ai volé ce mouchoir, mais c’est une abstraction. »

— Et le monopole est-il une abstraction ? S’il en est ainsi, je cède volontiers la place à M. Baring et à son élection. Mais c’est là une abstraction qui se montre sous la forme très-corporelle de certains monopoleurs, qui se permettent d’abstraire ou de soustraire la moitié de votre sucre et de votre pain. (Rires et applaudissements.) — Mais plaçons-nous un moment sur le terrain de nos adversaires et examinons leur raisonnement, quoiqu’à vrai dire ils se sont eux-mêmes interdit la faculté de raisonner en admettant que ce qui est vrai en principe est faux en conséquence. Sur quel fondement refusent-ils de mettre leur théorie en pratique ? « Si vous abandonnez le monopole, disent- ils d’abord, il vous sera impossible de prélever des taxes suffisantes. » Mais, si je comprends bien l’objection, elle signifie que nous serons hors d’état de payer à la reine des impôts pour la marine, l’armée, la magistrature, à moins que nous ne nous mettions sur le dos des taxes à peu près égales en faveur du duc de Buckingham, du duc de Richmond et compagnie. (Rires. — Écoutez ! écoutez !) L’objection signifie cela, ou elle