Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/195

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les machines n’ont pas été introduites ; il a compulsé les registres des baptêmes et des funérailles, et il a trouvé, en général, trois naissances contre deux décès ; qu’est donc devenue cette population excédante ? Elle a afflué vers Blackburn, vers Bolton, vers les villes où elle a été employée par ces mêmes machines qu’on accuse de détruire l’emploi des bras. Je vous dirai quelle est l’utilité des machines : c’est d’accroître la puissance de la production ; mais à mesure qu’elles se multiplient, il faut que le marché du monde s’ouvre devant nous. Si nous avions la liberté du commerce, chaque perfectionnement mécanique serait suivi d’une diminution dans le prix de revient du produit, diminution qui mettrait le marchand à même de lui trouver de nouveaux débouchés. Le bon marché toujours croissant pousserait toujours nos produits plus loin vers les extrémités du globe. — À 1 shilling, tel article peut être envoyé en Allemagne; — réduisez-le à 8 d., et il ira en Italie ; diminuez-le jusqu’à 6 d., et il pénétrera en Turquie ; — à 4, il se montrera en Perse ; à 2, il pénétrera jusque dans les régions les plus éloignées de l’Asie centrale. (Bruyants applaudissements.) Mais comment le marchand pourrait-il étendre ses opérations, s’il ne lui était pas permis de rapporter chez nous, en échange de nos produits, les produits que les autres peuples ont à nous donner ? Le statute-book laisse nos négociants exploiter le monde entier, y chercher des objets de convenance et de luxe pour la classe riche ; mais il ne permet pas qu’ils rapportent cette denrée, qui, parmi toutes les autres, pourrait contribuer au bien-être et au bonheur des ouvriers et de leurs familles, et cependant c’est le rude travail de leurs mains calleuses qui paye ces superfluités qu’on tolère, comme il payerait les denrées utiles qu’on exclut. Les législateurs donnent un libre accès aux objets de luxe qui peuvent décorer leurs personnes et embellir leurs fastueux palais : mais pourquoi défendent-ils l’entrée du blé ? Pourquoi empêchent-ils la Russie, la Pologne, l’Amérique de nous fournir du blé ? Pourquoi ? Parce qu’ils sont marchands de blé ! Ils devraient inscrire sur la porte de leurs demeures ces mots : « Marchands de blé ; aucune concurrence n’est permise. » (Bruyantes acclamations.) — Je vous ai dit que