Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/180

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Walter-Raleigh, car les cartes sont un de ses monopoles. » Les hommes de cette époque étaient délicats sans doute ; car, quoique nous ayons un lustre puissant à la Chambre des communes, jamais, depuis que j’en fais partie, je n’ai vu le rouge monter au front de nos monopoleurs. (Éclats de rire.) Le journal continue : « Après la seconde lecture de la liste des monopoles, M. Hackewell (autre ligueur sans doute) (rires) se lève et dit : Le pain ne figure-t-il point dans cette liste ? — Le pain ! dit l’un ; — Le pain ! s’écrie un second. — Cela est étrange, murmure un troisième. — Eh bien, reprend M. Hackewell, retenez mes paroles, si l’on ne met ordre à tout ceci, le pain y passera. » (Bruyantes acclamations.) — Et le pain y a passé, et c’est pour cela, Messieurs, que nous sommes réunis dans cette enceinte. (Applaudissements prolongés.) Le journaliste continue : « Quand la reine Élisabeth eut connaissance des plaintes du peuple, elle se rendit au Parlement et le remercia d’avoir attiré son attention sur un si grand fléau. » S’indignant ensuite d’avoir si longtemps été trompée par ses varlets (c’est le terme dont elle jugea à propos de se servir à l’égard de ses ministres monopoleurs), « pensent-ils, s’écria-t-elle, demeurer impunis, ceux qui vous ont opprimés, qui ont méconnu leurs devoirs et l’honneur de la reine ? Non, assurément. Je n’entends pas que leurs actes oppressifs échappent au châtiment qu’ils méritent. Je vois maintenant qu’ils en ont agi envers moi comme ces médecins (rires, écoutez, écoutez) qui ont soin de relever par une saveur aromatique le breuvage amer qu’ils veulent faire accepter, ou qui, voulant administrer une pilule (cris répétés : Écoutez, écoutez, c’est le docteur Tamworth), ne manquent pas de la dorer. » (Rires universels et applaudissements.) Vraiment, on pourrait presque soupçonner dans ces paroles quelques rapports prophétiques avec un certain docteur homme d’État de notre époque. (Nouveaux éclats de rire.) Telle fut, Messieurs, la conduite de la reine Élisabeth. Nous vivons maintenant sous une reine qui occupe dignement le trône de cette souveraine. (Acclamations.) J’ai la conviction que Sa Majesté ne voudrait pas sanctionner personnellement un tort fait au plus pauvre ou au plus humble de ses